La loi du 8 août 2016 réécrit l’ensemble des dispositions relatives au temps de travail effectif, aux régimes d’astreinte et d’équivalence afin de distinguer les règles d’ordre public, les thèmes ouverts à la négociation et les règles supplétives qui s’appliquent en l’absence d’accord collectif.
Sans en bouleverser les notions, la loi profite de cette réorganisation pour introduire quelques assouplissements, mais surtout pour renforcer la primauté de la négociation d’entreprise et d’établissement, exception faite des systèmes d’équivalence dont la mise en place relève de la branche.
1. Le temps de travail effectif et ses applications : la place de la négociation collective renforcée
• La notion de temps de travail effectif inchangée
La loi Travail ne modifie pas en soi la définition du temps de travail effectif. Celui-ci s’entend toujours comme le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l’employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles(1). Cette définition relève désormais de l’ordre public et reprend donc les trois critères cumulatifs nécessaires à caractériser le temps de travail effectif :
– La disponibilité du salarié : distincte de l’activité productive, il n’est pas nécessaire que le salarié fournisse un travail productif pour que le temps soit qualifié de temps de travail. À titre d’exemple, le fait pour un salarié qui, pendant son temps de pause, reste seul la nuit, à la station-service, à la disposition de l’employeur pour recevoir des clients, constitue du temps de travail effectif(3). En revanche, le salarié doit bien se trouver à la disposition de l’employeur.
– La soumission à l’autorité de l’employeur : la disponibilité du salarié ne s’apprécie pas au regard du temps de présence du salarié dans l’entreprise, mais par rapport à l’employeur, à son autorité et à la possibilité qu’il a d’exiger un travail du salarié. Il a par exemple été considéré comme du temps de travail effectif le temps passé par un visiteur médical à des cocktails organisés par l’entreprise dès lors qu’il était, sur ces temps, à la disposition de son employeur, qu’il devait se conformer à ses directives, sans pouvoir vaquer librement à ses occupations. Peu importe que, pendant ces soirées, le salarié dispose d’une liberté de mouvement(4).
– L’impossibilité de vaquer à ses occupations personnelles : cette impossibilité suppose que le salarié soit privé de sa liberté d’activité. Attention toutefois, car le salarié qui a librement choisit ne pas utiliser sa pause, il ne pourra pas ensuite en réclamer le paiement au titre d’un temps de travail effectif(5). En effet, seul un travail commandé peut être qualifié ainsi.
• Une notion essentielle
L’intérêt de la qualification d’un temps en temps de travail effectif réside dans les conséquences qu’elle emporte. Car c’est bien le temps de travail effectif qui est pris en compte pour le calcul de la durée légale de travail, il détermine notamment si le salarié a dépassé la durée légale et doit de ce fait être rémunéré au titre d’heures supplémentaires. Mais il est aussi comptabilisé dans le calcul des durées maximales de travail quotidiennes et hebdomadaires. Enfin, pendant le temps de travail effectif, le salarié bénéficie de la protection contre les accidents du travail et maladies professionnelles.
2. Les différentes applications du temps de travail effectif : les temps gris
Il n’est pourtant pas toujours aisé de déterminer un temps de travail effectif. Car certains temps, bien qu’inhérents à l’exercice d’une activité professionnelle, ne constituent ni du temps de travail, ni une véritable période de repos. Ce sont des temps « gris » tels que des temps de pause, de restauration, d’habillage et de déshabillage ou encore certains déplacements.
SI la loi Travail n’a pas modifié la définition du temps de travail effectif, elle n’a pas non plus bouleversé le régime général de ces temps « gris ». Ils ne sont, a priori, pas considérés comme du temps de travail effectif.
Il arrive toutefois que la loi, les conventions collectives ou les usages assimilent des périodes non travaillées à du temps de travail effectif pour l’application de certaines dispositions. Mais ces textes doivent alors être interprétés strictement car si l’assimilation à du temps de travail effectif peut valoir pour les congés payés ou l’ancienneté, elle ne vaut pas forcément pour le décompte de la durée du travail.
La loi Travail maintient la possibilité de déterminer par accord collectif la façon dont sont traités ces temps (rémunération, contrepartie, assimilation ou non à du temps de travail effectif, etc). Cependant, elle fait désormais primer l’accord d’entreprise ou d’établissement sur la convention ou l’accord de branche. Un accord d’entreprise pourra donc prévoir des dispositions différentes de celles prévues par la branche, et éventuellement moins favorables.
La loi assimile expressément certaines absences du salarié à son poste de travail à du temps de travail effectif. C’est notamment le cas du repos compensateur, des heures de formation effectuées dans le cadre de l’obligation de l’employeur d’assurer leur adaptation à l’évolution de leurs emplois, des heures de délégations des représentants du personnel, des congés de formation économique, sociale et syndicale ou des congés de formation des membres élus du comité d’entreprise et du CHSCT, des congés de formation des conseillers prud’homaux, ou encore des temps nécessités par les examens médicaux.