C’est en large part selon ses volontés économiques qu’une nation améliore ou dégrade la qualité de vie de ses ressortissants de toute condition. L’amélioration est d’autant plus vraisemblable que ces volontés sont cohérentes et vraiment d’intérêt général.
De telles volontés ne sont tout à fait cohérentes entre elles, que si elles le sont aussi avec les réalités propres aux échanges marchands et aux transferts de termes de ces échanges. Ce n’est pas le cas lorsque la doctrine dont elles procèdent comporte le vice de construction auquel l’analyse économique s’est révélée être hautement exposée, via la « théorie de la valeur » sur la détermination des prix : la pétition de principe, cette faute de raisonnement qui consiste à tenir pour démontrer un postulat qu’on a fait somme toute que décliner, sans parvenir à prouver qu’il est inhérent à la réalité étudiée.
Les volontés politiques
Laissons pour l’instant ce péché originel de côté. Un même ensemble de volontés économiques peut être endossé par plusieurs partis politiques dont chacun met en avant dans ses campagnes son programme de mesures prioritaires. Ces programmes ne sont toutefois politiquement matures qu’à plusieurs conditions, dont les deux suivantes.
- Ils sont sous réserve explicite que des circonstances imprévues ne rendent pas opportun de les modifier.
- Ils se réfèrent à des volontés explicitement formulées, dans des termes compréhensibles par le plus grand nombre des détenteurs d’une voix au suffrage universel.
Cette dernière ambition est très redoutable. Même pour les populations où la proportion d’illettrés est la plus faible, rien n’autorise à la préjuger facile à satisfaire. La technicité d’une matière n’excite la bonne volonté que de ceux qui désirent en devenir, sinon des spécialistes, au moins des amateurs éclairés.
La France se trouve, je crois, dans un état culturel et politique tel que lui proposer des volontés économiques qui seraient les unes trop vagues ne la réorienterait pas et les autres trop en rupture avec certains préjugés qu’elle prend pour de solides vérités contribuerait à la diviser. La sélection n’est dans son cas, que plus difficile.
En dépit de ce contexte, je vais m’efforcer de soumettre à ta sagacité une sélection de volontés économiques. Chaque fois que cela me semble nécessaire, l’énoncé d’une volonté sera suivi d’explications. De ton côté, tu renforceras l’utilité de l’exercice en y tenant le rôle de l’avocat du diable lorsqu’il te paraîtra que mes dires ne sont pas, dans leur forme ou sur leur fond ou les deux à la fois, à la portée du plus grand nombre des Français, avec ce que cela représente de diversités y compris dans la pratique de plus en plus désorientée de notre langue.
Je ne m’engage qu’à m’efforcer, tu l’auras remarqué. Il n’y a pas que ma santé et mon âge qui m’incitent à cette prudence. Ce qui est en définitive de plus important en assainissement de l’organisation économique de la nation française ne se dégage peut-être pas de façon assez complète et convaincante sans des leçons par trop rebutantes d’économie politique asservie à la logique des ensembles finis. Logique dont l’application en un tel domaine ne pourrait être rendue familière à de plus en plus d’esprits que par la rupture de l’enseignement économique avec son cours principal, académiquement néoclassique.
Cette rupture reste fortement contrariée par le refoulement de l’évidence qu’en économie politique seule l’adoption d’une nouvelle économie politique peut déterminer l’abandon de la précédemment dominante. Il faut pourtant d’autant plus se rendre à cette fatalité que la dominante actuelle est en France inapplicable pour et par davantage de libertés, d’équités et de sécurités. La concrétisation de cette devise n’étant démocratiquement viable que si seulement la qualité de vie du plus grand nombre des détenteurs d’une voix au suffrage universel s’en trouve durablement améliorée.
Je suis tout à fait d’accord avec toi lorsque tu affirmes que la compréhension du nécessaire assainissement de l’organisation économique de la France se heurte à un problème de complexité ou de lisibilité des enseignements économiques, qu’ils soient de nature politique, théorique ou de pure logique sociétale. Sans pour autant se livrer à des exercices d’une « pédagogie » jugée très vite absconse ou rebutante par les moins avertis d’entre nous, quelques rendez-vous vulgarisateurs pourraient être les bienvenus. Il reste à en définir la forme et le contenu…
De même qu’un nouveau modèle économique est souhaitable pour l’avenir de notre pays, preuve en est le mouvement revendicatif qui perdure dans l’Hexagone depuis novembre dernier, il n’empêche qu’un tel effort oblige à repenser globalement la politique qu’il convient alors d’adopter, ce qui semble hors du champ de nos actuels dirigeants, formés à l’école conservatrice d’une pensée aujourd’hui décalée, qui n’est plus en phase avec les aspirations de la population exposée à la paupérisation résultant d’une mondialisation galopante. Nos stratèges vont donc devoir faire preuve d’inventivité pour sortir de l’ornière, sachant qu’ils devront résoudre le casse-tête « davantage de pouvoir d’achat, avec des salaires et des aides revalorisés, tout en payant moins d’impôts ou de cotisations sociales ». L’unification de la mécanique quantique et de la théorie de la relativité générale, si chère à l’astrophysicien Stephen Hawking, me paraît plus facile à modéliser !
La difficile équation que je viens de poser rejoint ta devise : « Pour et par plus de libertés, d’équités et de sécurités ». Cependant, mon esprit de contradiction s’insurge quelque peu et j’observe que prendre en compte ces considérations rend ténue la frontière entre l’économie objective et « l’État providence ». Ce dernier étant toujours prompt à verser dans un assistanat de circonstance, particulièrement budgétivore, souvent incompatible avec les lois d’une économie compétitive, pourvoyeuse d’emplois pérennes et bien rémunérés.
Il n’empêche que les décisions qui seront prises prochainement, ainsi que les réformes qui en découleront, devront tenir compte, globalement, des aspirations exprimées démocratiquement par nos concitoyens. Puisse le grand débat qui s’annonce dessiner l’ébauche d’un modèle avant-gardiste.
De fait, j’attends avec impatience l’énumération, suivie d’explications, des volontés économiques que tu listeras judicieusement et qui te paraissent impératives. Bien sûr, comme tu m’y invites, je n’hésiterai pas à tenir le rôle de l’avocat du diable, la confrontation de points de vue opposés étant la base de tout débat constructif.